Depuis quelques mois, consommateurs et professionnels de la santé pointent du doigt la rareté voire l’absence totale de certains médicaments, principalement importés, des pharmacies et des hôpitaux et ce, à l’échelle nationale.
La Pharmacie centrale de Tunisie (PCT), qui centralise les importations de médicaments en Tunisie et une partie de la distribution, n’admet pas l’existence d’une telle pénurie. Les syndicalistes des officines et de la Pharmacie centrale ne cessent d’alerter sur la baisse constante du stock stratégique des médicaments et de l’absence, bien réelle, de certains médicaments du marché.
La centralisation des importations par la Pharmacie centrale a, pendant de très longues années, assuré la stabilité du secteur en garantissant la disponibilité des médicaments, leur contrôle, et la maîtrise de l’augmentation des prix grâce au système de compensation, qui a permis un maintien de prix relativement bas des médicaments vitaux importés. Cependant, il semblerait que ce système arrive aujourd’hui à ses limites.
En effet, la demande accrue sur le marché local depuis 2011 et suite à la crise en Libye, la contrebande et le vol de médicaments dans les établissements de santé publique sont des facteurs qui ont mis à mal ce système en augmentant drastiquement la part du budget du ministère de la Santé consacrée à l’importation mais également à la compensation.
Cette dernière profite de plus en plus aux contrebandiers qui exportent illicitement des médicaments subventionnés à des pays voisins. L’augmentation de la demande est, toutefois, loin d’être le seul facteur pouvant expliquer cette crise. La crise du dinar tunisien qui ne cesse de chuter face à l’euro et au dollar, la régression du stock en devises et la crise des caisses sociales et des institutions publiques en général sont autant de facteurs qui ont contribué à accentuer la pénurie des médicaments en Tunisie. Ainsi, les hôpitaux et les caisses sociales, qui ont failli à leurs engagements de paiement envers la Pharmacie centrale, se trouvant elle-même dans l’incapacité de payer ces dettes envers les fournisseurs internationaux, sont aujourd’hui pointés du doigt comme étant parmi les principaux responsables de la crise.
Pourtant, la Tunisie est l’un des premiers pays africains à s’être doté d’une industrie pharmaceutique, lorsque dès la fin des années 1980, l’Etat a mis en place un cadre juridique réglementaire adéquat au développement du secteur, à sa privatisation et au développement de l’investissement étranger, notamment en autorisant la détention de 100% du capital des sociétés pharmaceutiques par des étrangers. Ainsi, au début des années 1990, la Tunisie comptait déjà trois unités de production publiques qui sont la SIPHAT, la SOVETEX, et Institut Pasteur.
Actuellement, le secteur de l’industrie pharmaceutique en Tunisie regroupe 56 unités qui emploient près de 6000 personnes. Des 56 unités, 28 sont des unités de production des médicaments à usage humain, 6 sont des unités de médicaments à usage vétérinaire et 22 sont des entreprises de dispositifs médicaux dont 50% sont totalement exportatrices. Cependant, le fait que l’industrie pharmaceutique tunisienne soit limitée à la fabrication de médicaments génériques principalement et de quelques médicaments sous licence et le manque de flexibilité du cadre réglementaire, qui interdit à un pharmacien de substituer un médicament prescrit à un patient par un de ses génériques, sont des entraves à l’ambition d’augmenter le taux de couverture de la consommation de médicaments par la production locale.
Face à cette situation qualifiée de situation de « manque de certains médicaments » par certains et de situation de « crise » par d’autres, l’Institut tunisien des études stratégiques, organise le 8 août à 9h, une table ronde dans le cadre des « Rendez-vous d’Amilcar » sur le secteur des médicaments en Tunisie afin d’examiner de près les causes de la rareté ou de l’absence totale de certains médicaments du marché et d’étudier les solutions possibles.
Cette rencontre donnera la parole aux principaux acteurs étatiques et privés afin d’apporter leurs éclairages sur l’une des questions d’actualité les plus controversées depuis quelques mois.
Source : Institut Tunisien des Etudes Stratégiques