La journée mondiale de lutte contre la LGBTQI-phobie en Tunisie, est célèbre, pour la sixième fois, par le Collectif Civil pour les Libertés Individuelles le 17 mai. Cette année, la célébration de cette journée revêt une importance particulière, parce qu’elle met en exergue une période critique pour la communauté LGBTQI+ tunisienne.
La communauté LGBTQI+ tunisienne continue à subir une grande marginalisation économique et sociale, aggravée par la pandémie Covid-19 et son impact sur les conditions de vie de cette communauté, ainsi que par l’impunité dont bénéficient les auteur.e.s de crimes LGBTQI-phobes. En effet, l’État tunisien s’acharne à maintenir la criminalisation de l’homosexualité et à rejeter la diversité du tissu social et la reconnaissance des différentes sexualités, identités et expressions de genre.
Cette célébration coïncide avec une réalité éminemment discriminatoire, haineuse et violente contre la communauté LGBTQI+, qui se reflète à travers de nombreuses arrestations et procès pour «homosexualité et transidentité», en se basant sur les articles anticonstitutionnels 226, 226 bis, 227 bis, 230 et 231 du Code pénal.
Depuis 2011, le Ministère de la Justice1[1] a recensé 1225 personnes emprisonnées sous prétexte de l’infraction de l’article 230 du Code pénal, dont l’introduction dans ce dernier date de la période coloniale de 1913.
Les associations membres du Collectif Civil ont également recensé pas moins de 29 plaintes pour torture, mauvais traitements et atteinte à la dignité déposées par des membres de la communauté LGBTQI+ au cours des deux dernières années contre des agents de police. Toutes les plaintes déposées sont restées sans suite.
Cette discrimination institutionnelle expose les personnes LGBTQI+, Lesbiennes, Gays, Bisexuel.le.s, personnes Trans, Queer, Intersexué.e.s, Asexué.e.s et ++, à des peines privatives de liberté, à des violations de leurs droits et libertés individuelles à travers des pratiques discriminatoires et relevant de la torture, dont principalement les examens anaux forcés.
Dans ce contexte, le Collectif Civil pour les Libertés Individuelles déclare son soutien à la campagne de sensibilisation « Non au confinement à perpétuité », lancée le 14 mai par l’équipe du projet « Twensa kifkom » (Tunisien.ne.s comme vous) sur les différents réseaux sociaux.
L’objectif de La campagne « Non au confinement à perpétuité » est d’impliquer les différentes institutions de l’état de droit dans la protection des personnes LGBTQI+ contre toutes les formes de discriminations et de violences qu’elles subissent par les différents organes de l’Etat, qu’ils soient sécuritaires, judiciaires ou législatifs. Cette action de plaidoyer dénonce les violences institutionnelles quotidiennes subies par les membres de la communauté LGBTQI+ à savoir les discriminations, les violences, la répression policière et les abus de pouvoir, qui se croisent avec celles subies par la majorité des citoyen.ne.s dans l’exercice de leurs droits et libertés individuelles, leur imposant ainsi un confinement quasi perpétuel.
Ainsi, et à l’occasion de cette journée internationale, les soussigné.e.s membres du Collectif Civil pour les Libertés Individuelles :
– Rappellent à l’Etat Tunisien l’obligation de respecter les différentes dispositions de la constitution de 2014 et les engagements découlant des conventions internationales ratifiée,s qui soutiennent le droit à la pleine égalité et la garantie de la dignité et de l’intégrité physique ;
– Appellent le parlement tunisien à abroger immédiatement les articles 226, 226 bis, 227 bis, 230 et 231 du code pénal et à appliquer les recommandations des deux rapports finaux de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) et de la Commission Nationale pour la Prévention de la Torture (CNPT) demandant l’abrogation de ces articles anticonstitutionnels et portant atteinte aux libertés individuelles ;
– Appellent les Représentant.e.s du Peuple à relancer le débat autour du projet du Code des Droits et des Libertés Individuelles et son adoption au plus tôt au vue de l’importance qu’il revêt pour la garantie des libertés individuelles en général et des droits des personnes LGBTQI+ en particulier ;
– Exigent des pouvoirs judiciaires et des services médico-légaux l’arrêt immédiat du recours aux examens anaux et de tout autre examen portant atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale, et de se conformer à la position officielle du Conseil de l’Ordre des Médecins Tunisien.ne.s et de l’Instance Nationale de la Prévention de la Torture, qui assimilent ces pratiques à de la torture, les considérant contraires à la déontologie et l’éthique et qui plus est, sont dénuées de toute valeur scientifique ;
– Rappellent à l’État son manquement aux engagements pris auprès de la communauté internationale et le non-respect des déclarations faites lors de l’Examen Périodique Universel de 2017 au Conseil des Nations Unies, à savoir son acceptation de la recommandation relative à la protection des membres de la communauté LGBTQI+, la suspension des examens médicaux humiliants qui leurs sont infligés ; et appellent par conséquent l’Etat Tunisien à mettre immédiatement en application lessdits engagements.
Associations et organisations signataires :
SNJT – Syndicat National des Journalistes Tunisiens
LTDH – La Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme
ATFD – Association Tunisienne des Femmes Démocrates
DAMJ, L’association tunisienne pour la justice et l’égalité
ASF – Avocats Sans Frontières
L’ADLI – L’Association Tunisienne pour la Défense des Libertés Individuelles
FTDES – Le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux
Initiative Mawjoudin pour l’Egalité
DCS – Danseurs Citoyens Sud
L’ATP+ – L’Association Tunisienne pour la Prévention Positive
Euromed Rights Tunis
Attalaki pour les Libertés religieuses
OMCT – Organisation Mondiale de Lutte contre la Torture
PDMT – Psychologues du Monde Tunis
Association Tahadi
Association Mnemty
Association Intersection pour les droits et les libertés
L’ADD – L’Association pour la promotion du Droit à la Différence
L’Association Shams
OCTT- L’Organisation Tunisienne pour la Prévention de la Torture
Association Citoyenneté, Développement, Cultures & Migrations Des Deux Rives
ACDR – L’Association Arts et Cultures des deux Rives
Forum tunisien pour l’autonomisation des jeunes
Association de solidarité civique – Tunisie.
Organisation du Martyr de la Liberté Nabil Barkati
Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie – Belgique
CRLDHT – Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie
Association Weshm
Coordination Tunisienne de la Marche Mondiale des Femmes
Histoires et mémoires communes pour la liberté et la démocratie
L’association Perspectives El 3amel Ettounsi
ATAC – L’association tunisienne de l’action culturelle
Free Sight Association
L’ ATCA – Association Tunisienne de la Culture Amazighe
Nachaz
Le Groupe Tawhida Ben Cheikh
Association NESS pour la prévention combinée
LET – La ligue des Electrices Tunisiennes
Aswat Nissa
Article 19
[1] Deux demandes d›accès à l›information concernant le nombre de détenu.e.s en application de l›article 230 du Code pénal ont été déposées auprès du Ministère de la Justice, lequel a répondu à chacune d’elles par des chiffres contradictoires.
Communiqué
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