Dans la soirée du vendredi 29 juillet 2022, ils étaient près de mille spectateurs à Carthage, de tous les âges, qui occupaient les gradins de l’amphithéâtre antique de Carthage.
A 22H00, les festivaliers qui patientaient depuis des heures avaient commencé à hurler. Lamine Nahdi a enfin fait son entrée sur scène pour un accueil des plus chaleureux que lui réservait son public assoiffé d’humour et de rire.
Ceux qui sont venus dans l’espoir de vivre un moment de rires avec leur acteur préféré n’ont pas trouvé leur compte. Certains ont quitté avant la fin du spectacle mais la grande majorité avait continué à suivre la soirée.
Fort d’un parcours de plus de cinquante ans, entamé au début des années 70, Lamine Nahdi intègre le théâtre assez jeune, avec la troupe du Maghreb arabe qui, à l’origine, est un club d’une quarantaine d’amateurs au sein de la maison de la culture Ibn Rachiq, à Tunis, rappelle l’artiste lors du point de presse tenu vers minuit trente, au média center du festival.
Avec ses compagnons de route Kamel Touati, Hatem Bellakhel, Mongi Ouni et Noureddine Ben Ayed, il avait présenté la fameuse pièce ” El karrita “. Ses souvenirs de cette période sont restés intactes; il évoque un spectacle de théâtre amateur qui était le premier de son genre présenté sur la scène mythique de Carthage.
A cette époque-là, le festival de Carthage accueillait des professionnels. Il revient sur des sommités du théâtre national comme Aly Ben Ayed, Moncef Souissi et Mohamed Raja Hamouda.
Avec tous les succès qu’il a connu durant des décennies, il se montre fier ” Je suis monté sur la scène du festival de Carthage avec les grands acteurs de l’époque”. Il avait eu la chance de côtoyer les pionniers du 4 art et avec lesquels il a joué dans la célèbre pièce ” Le maréchal “.
Parmi tous les humoristes de sa génération, il était le seul à avoir connu le grand succès, un succès qui n’a pas pris une ride. Lamine Nahdi estime que cette continuité de sa présence sur la scène nationale est devenue plus importante depuis l’apparition du one-man-show, un genre qu’il pratique depuis 1990. Depuis son spectacle “Fi hak sardouk nraychou “, un premier show à succès, il a multiplié les réussites dont témoigne l’admiration de ses fans.
Lamine Nahdi n’a aucun souci de voir des gens quitter. Il admet que ce départ était le résultat de “la fatigue due à de longues heures d’attente et l’inconfort de s’asseoir sur les gradins”.
Il est également parfaitement conscient que les temps changent et le public aussi. Il était autant heureux qu’étonné de voir un tel engouement du public de Carthage, un lieu qui l’avait plusieurs fois accueilli depuis ses débuts.
Lamine Nahdi garde son égo d’artiste indétrônable, ce qui est vrai, en se demandant et que va-t-on faire après moi. Avec toute la génération d’humoristes qui ont fait leur apparition ces dernières années et qui drainent les foules dans des spectacles à guichet fermé, il demeure un artiste à part, à l’humour assez particulier que lui seul détient les secrets.
Pour Lamine Nahdi, le beau public aura toujours le dernier mot, c’est lui ” le juge “. L’interaction du public s’est poursuivie jusqu’à la fin du spectacle. La grande majorité du public avait compris ce que Lamine appelle de ” dosage entre les moments tragiques et dramatiques, où il n’y a pas beaucoup de rire, et les moments de mélodrame durant lesquels l’acteur passe du drame au mélodrame, à la tragédie, ce qui est le plus difficile dans le théâtre “, admet-il.
Sa longue expérience dans le théâtre le mène à confirmer cette dynamique qu’offre la scène pour l’artiste aussi bien que pour l’œuvre dont l’accueil change au fils des spectacles. Contrairement au cinéma ou à la télé, la représentation théâtrale évolue d’un spectacle à l’autre.
Son one man show “Makki et Zakia”, qui a fait sept saisons, en est la preuve, le succès était n’était au rendez-vous qu’après les premiers spectacles, dit-il. Ce spectacle qu’il classe dans le théâtre commercial était fait dans les règles de cet art, citant l’exemple du grand artiste égyptien de renommée arabe Adel Iman qui pratique, aujourd’hui, le théâtre de Vaudeville. ”
L’accueil mitigé de ” Nmout alik ” pourrait être classé dans cette même logique d’évolution. L’artiste rappelle que le scénariste a choisi un texte où l’aspect mélodrame est assez dominant, une orientation qui n’est pas du goût du tout le monde.
Le public réclame sa part du rire qui a fait la notoriété de leur acteur mais aussi pour sortir du marasme de cette période après ” une décennie noire ” selon l’expression du célèbre journaliste Mekki Helal, présent au point de presse.
” La touche de Moncef Douib était assez présente dans cette œuvre mais la communion avec le public était absente “, a-t-il constaté.
Le public a, certes, ses propres attentes, mais la dramaturgie a aussi ses exigences qu’il est parfois assez compliqué de trancher. Les prochains spectacles, une vingtaine (25) pour la saison estivale, nous en diront plus. ” On ne peut rien prédire comme l’a bien dit Lamine, rappelant les succès fulgurants du “Marechal” et de “Mekki et Zakia” qui totalisent chacun plus de 600 représentations en Tunisie et ailleurs.
Après sa tournée nationale, Nmout Alik sera également en tournée occidentale. Nahdi dit avoir été honoré de se produire dans un théâtre londonien au Royaume-Uni, un pays qui a de très grandes traditions théâtrales.
Il y sera de nouveau et des démarches sont actuellement en cours pour présenter son dernier spectacle qui dans une première étape, a été présenté à trois reprises au Canada (Montréal, Ottawa et au Québec).
TAP