Livre Sur Le chemin de Bourguiba 1934-1984 de Driss Guigua : Révélations d’un proche du leader tunisien
A travers son dernier livre, Sur le chemin de Bourguiba 1934-1984, paru chez Cérès Editions, l’homme politique Driss Guigua nous apporte sa vision et son regard sur le système mis en place par le père de la nation, avant l’indépendance et après celle-ci.
Il passe en revue une période riche de 60 ans dans l’histoire de la Tunisie, marquée par la création de l’État et sa résilience face aux défis de l’instauration d’un État de droit. Ce parcours s’inscrit dans un contexte régional et mondial complexe, marqué par la fin de la Seconde Guerre mondiale, le début de la décolonisation du Maghreb, et l’émergence du panarabisme.
Driss GUIGUA a démarré sa carrière après l’indépendance au poste très sensible de directeur général de la sécurité au sein du ministère de l’intérieur. Il avait pour mission de créer une police « Tunisifiée » et restera à ce poste 6 ans au cours desquels il était en contact direct avec le président Habib Bourguiba. Il fut limogé à la suite du complot tramé par certains officiers de l’armée. Driss GUIGUA avait informé le président que quelque choses se tramait mais Bourguiba n’a pas voulu l’écouter, pensant que jamais son armée se rebellera contre lui.
L’auteur revient souvent dans le livre sur les erreurs ou fautes commises au sein de l’état; qu’il a observé et rapporté à Bourguiba quant il était en fonction. Le président n’était pas toujours d’une oreille favorable.
Il cite l’exemple de faits qui se sont déroulés lors de l’attaque de Bizerte, le soutien à l’Algérie avant son indépendance, la période de Ben Salah et le collectivisme et enfin les évènements du pain de 1984, qui ont causé son exile ! La lecture entre les lignes de son livre, suppose que l’auteur fut la victime qui a été sacrifiée pour protéger le premier ministre Mzali et le président Bourguiba.
Après le complot des officiers, il fut en charge du département du tourisme, qui n’existait pas en Tunisie et dans toute l’Afrique du nord, l’auteur nous décrit les actions qu’il a entrepris dans ce département et son apport à l’essor d’un pilier économique vital pour la Tunisie moderne.
Là encore il parle de ces difficultés inhérentes aux manque de moyens et problématiques constantes a cette époque. Son plus gros échec restera la station touristique off-shore de Ghar El Melh. Bourguiba lui aurait passé « un savon mémorable » à cause de cette notion d’off-shore qui s’attaque à la souveraineté tunisienne (ironie du sort, Bourguiba n’hésitera pas à porter aux nues lui-même cette même notion d’Off-shore lors de la mise en place de la loi 72 relative au secteur du textile).
Driss GUIGUA fut nommé par la suite à la tête du ministère de la Santé. Ce passage durera 4 ans et sera marqué par l’exploit de faire revenir les compétences tunisiennes en médecine, expatriés principalement en Europe, chez eux.
Son parcours va continuer à l’éduction nationale, où il sera critiqué pour avoir voulu arabiser les matières enseignées. Dans son livre il se défend en disant qu’à l’époque, tous les pays arabes ont lancé ce mouvement et qu’il n’ a fait que suivre les instructions de Hedi NOUIRA.
Cette décision lui vaudra un passage à vide, et un éloignement de la scène politique locale. Il sera nommé ambassadeur en Allemagne, position qui dit l’avoir apprécié vu les bons rapports qu’il a eu avec l’administration allemande qu’il admire. Il évoquera aussi l’anecdote de l’obtention des fond pour la construction du bateau El Habib par un tour de passe-passe, les fonds étant prévus initialement au Nigeria pour d’autres projets…
Le dernier poste politique que Guiga occupera fut, ministre de l’intérieur au gouvernement Mzali au début des année 80. Cette période était marquée par le déclin de Bourguiba, les émeutes du pain en 1984 ayant causé des dizaines de morts, des actes de pillages et de trouble à l’ordre public… Il évoque ses rapports compliqués avec Mzali qui ont causés sa disgrâce. Certains diront, que GUIGA voulait le poste de premier ministre, et voyait là une occasion en or à saisir, ce que l’auteur passe sous silence.
Ce récit autobiographique, nous apporte un regard intime sur notre propre histoire, à travers le récit d’un commis de l’état aux premières loge, et d’un serviteur zélé bourguibien. Nul ne saurait mettre en doute son patriotisme et sa dévotion pour feu Habib BOURGUIBA. Même si des zones d’ombre persistent encore, il a le mérite de faire face aux jugement des tunisiens. A eux de Séparer le bon grain de l’ivraie.
Je finirais cette lecture personnelle de ce livre par une citation qui m’a marqué de l’auteur : « J’ai appris à devenir tunisien, à aimer une patrie, à défendre sa cause et se mettre à son service, car on ne naît pas tunisien, on le devient. Cette culture de base est au fondement de tout projet civique quel qu’il soit. Sans l’enracinement à une patrie et la dévotion à son service, aucun projet politique ne vaut ».
Ulyssen
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