Album Anouar Brahem ‘After the Last Sky’ : exil, identité et déracinement à travers une musique universelle
Anouar Brahem, maître tunisien du oud, revient avec un nouvel album poignant intitulé “After The Last Sky”, inspiré d’un vers du poète palestinien Mahmoud Darwish : “Où les oiseaux doivent-ils voler, après le dernier ciel ?”.
Cet opus enregistré en mai 2024 à l’Auditorio Stelio Molo RSI de Lugano sous la direction de Manfred Eicher, est lancé huit ans après le succès de l’album Blue Maqams. Il offre une expérience musicale unique, mêlant traditions arabes et influences internationales.
À travers des compositions délicates pour oud, violoncelle, piano et contrebasse, Brahem explore des thèmes universels tels que l’exil, l’identité, le déracinement, la mémoire et la quête de sens dans un monde troublé.
Un dialogue entre cultures et émotions
Depuis ses débuts, Anouar Brahem a toujours cherché à élargir les horizons de la musique arabe en dialoguant avec d’autres traditions musicales. Dans After The Last Sky, cette démarche atteint une nouvelle profondeur. L’album marque notamment la première inclusion d’un violoncelle dans ses compositions de groupe.
La violoncelliste Anja Lechner, figure centrale de cet enregistrement, apporte une voix riche et émotive qui ouvre et clôt l’album. Sa collaboration avec Brahem témoigne d’une parfaite alchimie artistique.
Le bassiste légendaire Dave Holland et le pianiste britannique Django Bates, déjà présents sur Blue Maqams, rejoignent également ce quartet international. La complicité entre Brahem et Holland, née en 1998 avec l’album Thimar, est ici encore palpable. “Le jeu de Dave me donne des ailes”, confie Anouar Brahem. Quant à Django Bates, il enrichit l’ensemble avec des solos virtuoses et un soutien harmonique subtil.
Une méditation musicale inspirée par Mahmoud Darwish
Le titre de l’album fait écho à une réflexion profonde sur l’exil et la mémoire, des thèmes chers à Mahmoud Darwish et Edward Said. Ces inspirations littéraires se traduisent dans les compositions de Brahem par une mélancolie élégante et une introspection musicale rare. Chaque morceau agit comme un chapitre d’une méditation sonore sur les frontières géographiques, émotionnelles et spirituelles.
Darwish, symbole de la lutte palestinienne, influence l’album qui résonne avec les thèmes de la mémoire, de l’identité, et des conflits contemporains. Son engagement politique et humaniste inspire la gravité et l’intensité émotionnelle de l’album.
Les titres des morceaux eux-mêmes sont porteurs de sens et invitent l’auditeur à une réflexion personnelle sur les luttes contemporaines. Pendant la création de cet album, Anouar Brahem a été profondément marqué par la guerre en Palestine, un sujet qui imprègne son œuvre d’une gravité poignante.
Official Music Video Anouar Brahem “After the Last Sky”
Un album universellement acclamé
Depuis sa sortie, After The Last Sky a reçu un accueil enthousiaste tant du public que de la critique. Présenté lors du Festival de Venise dans la section Horizons Extra avant sa sortie officielle, il a également été joué au Red Sea Film Festival.
Cet album s’inscrit dans la continuité du travail d’Anouar Brahem avec ECM Records, qui a produit certains des albums les plus emblématiques du musicien depuis 1989.
En parallèle à la sortie de l’album, le quartet d’Anouar Brahem entame une tournée européenne avec des concerts en France, Allemagne, Pays-Bas, Suisse et Belgique. Ces performances live promettent d’amplifier encore davantage l’impact émotionnel de cet opus.
A propos de Anouar Brahem
Anouar Brahem est né en 1957 à Tunis. Il commence à étudier le oud à l’âge de dix ans au Conservatoire National de la ville, sous la direction du maître Ali Sriti. Considéré comme un magicien du oud, Brahem s’est donné pour mission de restaurer cet instrument ancestral en tant que soliste emblématique de la musique arabe, tout en intégrant des influences musicales variées.
En 1981, il s’installe à Paris pendant quatre ans, collaborant avec Maurice Béjart et composant pour le cinéma et le théâtre tunisiens. De retour en Tunisie en 1985, il consolide sa réputation par des compositions et des concerts.
Sa collaboration avec ECM commence en 1989, menant à la production de dix albums, dont Barzakh, qui marque le début d’une fructueuse association avec des musiciens renommés comme Jan Garbarek et Dave Holland.
Parmi ses œuvres majeures figurent Madar (1994), Thimar (1998), et Le Voyage De Sahar (2006). Souvenance (2014), inspiré par les bouleversements du Printemps arabe, reflète une profonde émotion personnelle.
En 2017, Blue Maqams réunit Brahem avec des improvisateurs de renom comme Jack DeJohnette et Django Bates, célébrant ainsi son 60e anniversaire par une fusion musicale exceptionnelle.
Pour les amateurs de musique classique contemporaine ou ceux curieux d’explorer les richesses du oud dans un contexte moderne, After The Last Sky est une œuvre incontournable. À travers ce projet ambitieux mais profondément humain, Anouar Brahem continue d’élargir notre compréhension des possibilités infinies offertes par la musique.
Tekiano