Les enfants Rouges de Lotfi Achour : un film pour ne pas oublier que derrière une montage verdoyante se cachait l’horreur

Les enfants Rouges de Lotfi Achour est un long-métrage de mémoire pour ne jamais oublier qu’un crime effroyable a eu lieu, il y’a de cela une dizaine d’années. Un assassinat en Tunisie perpétré par des terroristes sans foi ni loi, et qui a visé un jeune tunisien, les rêves plein la tête.

Lotfi Achour avec sa complice Anissa Daoud se sont penchés sur cette tragédie qui a secoué les tunisiens,et se sont appliqués pour narrer son histoire horrible.  À travers ce film, il ne s’agissait pas seulement de raconter un crime effroyable, mais de documenter un moment clé de notre histoire contemporaine.

Ce drame cristallisait à lui seul l’abandon des populations rurales, la barbarie terroriste, la
faillite politique et la dérive médiatique. C’est cette nécessité de témoigner qui a guidé la conception du film…commentait Lotfi Achour à propos de ce long-métrage qu’il a mis 6 ans à réaliser.

Les faits sur lesquels se  basent le film remontent à quelques d’année auparavant. Rappelez vous : A l’automne 2015, un groupe terroristes appartenant à Daech avait décapité Mabrouk Soltani au mont Mghila, situé au gouvernorat de Sidi bouzid au centre de la Tunisie.

A l’époque les terroristes ont partagé une vidéo sur les réseaux sociaux affichant la tête décapitée de Mabrouk Soltani qui était âgé de 16 ans. Ils ont ordonné à son compagnon, un autre berger, âgé lui-même d’environ 13 ou 14 ans, de ramener la tête de la victime à sa famille.

Dans le film Les enfants Rouges, les téléspectateurs sont invités à suivre ce drame à travers les yeux de ce berger survivant.. Synopsis : Alors qu’ils font paître leur troupeau dans la montagne, deux adolescents sont attaqués. Nizar, 16 ans, est tué tandis qu’Achraf, 14 ans, doit rapporter un message à sa famille…

Le réalisateur nous invite à se mettre dans la peau de ce jeune adolescent qui a pour mission de ramener la tête de son ami dans un sac auprès de sa famille.

Le casting du film a mis en avant trois jeunes gens qui n’ont jamais joué devant une caméra mais qui ont su transmettre une palette variable d’émotions. Ali Helali, Yassine Samouni et Wided Dabebi ont campé le  rôle de trois adolescents insouciants et qui l’horreur de ce crime les a fait grandir trop vite.

Le titre vient d’une expression utilisée dans la région: Quand on dit c’est un homme rouge », une femme rouge, ou un garçon rouge, cela signifie que c’est quelqu’un de courageux. Être « rouge », c’est être vaillant, résilient, capable de faire face à l’adversité.

On a voulu jouer sur cette double signification : d’un côté, bien sûr, l’évocation du sang, et de l’autre, cette idée de résistance, de ténacité, de lutte face aux épreuves, explique Lotfi Achour.

D’autres protagonistes à l’instar Younes Naouar, Jemii Lamari, et l’excellente artiste Latifa Gafsi, ont su finement refléter la douleur de la famille qui a subi ce malheur. La mère courage, jouée par Latfia Gafsi, dont le seul souci est pouvoir enterrer dignement son enfant quitte à aller chercher son corps elle-même, dégageait une dignité hors pair.

La force silencieuse et la résilience de toute la famille du victime et de tout un village sont développés avec peu de mots mais beaucoup de gestes forts, baignés dans une musique qui élève l’interprétation vers le haut…

Le rôle important des chiens du berger est aussi mis en avant dans ce long-métrage. Des anges gardiens ou des éternels protecteurs. Le rôle des partenaires à quatre pattes dépasse la symbolique et constituent des acteurs clés de l’œuvre cinématographique.

Pourquoi il est impératif de voir le film Les Enfants Rouges de Lotfi Achour? Pour ne jamais oublier qu’un jour dans une magnifique montagne au centre de la Tunisie, un gamin a dû mettre la tête de son ami assassiné dans son sac et le rendre à sa mère…

J’aurais voulu écrire âmes sensibles s’abstenir, mais non…il faut voir ce film, revoir, ressentir, le vivre et commémorer… Novembre 2015, ça va faire 10 ans que Mabrouk Soltani a été décapité par des terroristes à Mont Mghila, 2 ans plus tard son frère est décapité à son tour..

A travers le regard d’un enfant qui a subi ce traumatisme et qui s’efforce à le dépasser, c’est une effroyable violence qui ne peut que s’accentuer par la misère qui est partagée et qu’on observe désarmés…jusqu’à quand ?

Les Enfants Rouges – Red Path – الذراري الحمر  se veut un film mémoire, un docu-fiction poétisé, à voir absolument pour ne jamais oublié l’horreur qui se trouve à quelques heures de route. Pour se rappeler que les magnifiques paysages cachent beaucoup de misères… et pour se rappeler que des monstres vivent parmi nous… A voir dans les salles de cinéma de Tunisie et en France.

Sara Tanit

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