Instituteur progressiste, artiste maudit, vendeur ambulant ou taximan en cabriolet, ils expriment leurs opinions face aux vagues déferlantes de la mondialisation. Le web 2.0 nest pas le seul à avoir un sens aigu du partage. Cest au cinéma, à partir du lundi 15 mars !
A sept kilomètres de Djerba, la ville de Zarzis est située sur la côte est de la Tunisie, au sud du pays. Sables dorés, magnifiques palmerais, soleil permanent et hôtels luxueux, cest ce que connaissent les touristes de cette ville de la rive sud de la Méditerranée. Lil averti dun Tunisien pourrait remarquer la mutation architecturale subie par la ville, les déchets éparpillés sur ses plages, et les chômeurs accroupis et rasant les murs. La caméra du réalisateur tunisien Mohamed Zran ne sest, justement, pas contentée de filmer les beaux paysages. Intitulé «Zarzis» ou «Vivre Ici», le long métrage documentaire de Zran, nous révèle une autre facette de cette ville. Ce film a été présenté à la presse nationale, en avant-première, jeudi 11 mars 2010, à Zarzis. Depuis le lundi 15 mars, le film est projeté au CinémAfricArt au centre ville de Tunis, à la salle Amilcar à El Manar,
à la salle Alhambra à La Marsa et au Centre Culturel de Zarzis. Et ce jusquau 25 mars 2010.
Oh mondialisation, si tu savais
Après «Un Conte de Faits» de Hichem Ben Ammar, «Zarzis» vient faire preuve de la maturité atteinte par nos cinéastes en matière de documentaires dart et dessai. Que ce soit sur le plan esthétique ou technique, la maturité est confirmée. Le propos se veut engagé voire militant. «Un cinéaste doit aller contre le fait accompli. Il na pas à être complaisant ou à caresser dans le sens du poil. Il faut que lartiste aille contre la vague pour changer les choses» affirme Zran. Zoom sur le quotidien de la population de Zarzis dans ce nouveau né du cinéma tunisien. Loin des clichés et des cartes postales, ce long métrage documentaire part à la rencontre de plusieurs personnages aussi différents quatypiques. «Jai filmé ma Zarzis. Et je ne limpose à personne. Vu par un japonais, un américain ou par quelquun dAbou Dhabi, ils se diront tous quil y a une place pour eux dans cette Zarzis» déclare le réalisateur. Ce film nous révèle une Zarzis déchirée entre résistance aux vagues de la mondialisation et adhésion passive au nouvel ordre mondial.
200 heures filmées
Crise identitaire, migration, conformisme, présidence à vie dans les pays arabes ou encore dépendance économique, divers sujets dactualité ont été évoqués par les personnages atypiques du film. Ce documentaire nous dresse leurs portraits. «Cest écrit complètement en opposition à ce qui est classique. C’est-à-dire un texte préétabli. Ce que jai voulu faire, cest daller avec ce moyen technique- la caméra légère- sur le terrain, écrire autrement au lieu de me poser sur un fauteuil dans un salon dans le luxe» déclare Mohamed Zran, également producteur de «Zarzis». Et il poursuit : «Chaque image que jai filmée était comme un mot, une virgule ou un point contribuant à lécriture de ce texte. Le scénario était dans ma tête et je lécrivais avec ma caméra directement sur le terrain».
Durant deux ans et demi, le réalisateur a tourné 200 heures. «Cest une expérience très riche mais pénible aussi parce que je navais pas de limites. Je devais absolument y mettre fin pour clore cette sorte dascension et passer au montage» raconte le réalisateur. Et quand on sait que le montage a duré un an et demi, on arrive à mieux comprendre la démarche employée par ce cinéaste. Les images relatant situations évocatrices et témoignages poignants témoignent de la réussite de lapproche de Zran. Même sil y avait des longueurs dans certaines séquences. Le cinéaste na pas pu sacrifier ces images de la ville si chère à son cur.
Derrière le comptoir de Simon
De la boutique de Simon, droguiste juif tunisien, à la plage rythmé par les galops du cheval du jeune Fakhri, le film nous embarque à la rencontre de divers personnages exceptionnels. «Pour moi, Simon est comme un carrefour où tous les personnages se rencontrent. Simon est quelquun qui est derrière le comptoir de sa boutique. Il ne cesse pas de donner, de recevoir les gens, dajouter à son réservoir des trouvailles dici et dailleurs» explique Zran. On y découvre linstituteur progressiste Tahar ou encore un peintre maudit Hédi, expulsé de France. Ce marginal se retrouve complètement dépaysé dans son propre pays. «Jai de la sensibilité envers ces marginaux. Je les considère comme de vrais trésors. Dommage quon na pas le temps pour sy intéresser, ni lil qui les capte» nous confie Zran. Parmi ces personnages, on croise aussi la marieuse, Fatma ainsi que Kazimir, vendeur ambulant de colliers faits maison. A bord du taxi cabriolet de Béchir, la caméra de Zran se balade dans les rues de Zarzis et filme, jours et nuits. Plans fixes sur une balance instable, sur une salle de cinéma en ruine ou sur un visage souriant de lironie du sort. Les raccords puisent leur richesse de la diversité des images ou de la pertinence dune réplique.
En tant que réalisateur de films de fiction, Mohamed Zran a remporté plusieurs récompenses. Avec «Essaida» (1996), lenfant de Zarzis a remporté 15 prix internationaux. Quant à son deuxième long métrage de fiction «Le Prince», il a été récompensé deux fois au Maroc et au Fespaco à Ouagadougou. Avec son deuxième film documentaire, Zarzis, un nouveau périple commence. La consécration a été lancée, en octobre, par un Black Pearl Award et le prix du meilleur nouveau réalisateur au Festival du Film du Moyen Orient à Abou Dhabi. «Je pense que cest le début dune autre expérience» déclare le réalisateur. To be continued
Thameur Mekki
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