Tunisie : Qui sont les responsables du flicage du Net ?

Quel rôle a joué l’ANSI dans la répression cyberpolitique? Un ancien directeur technique de l’ATI précise: «il existe un autre nœud chez Tunisie Telecom, avec un accès réservé au ministère de l’intérieur». Et «avec les mouvements au sein de Tunisie Telecom, c’est super dangereux» bondit Slim Ammamou.

censorship«L’ANSI est une structure qui a un rôle éducatif et d’accompagnement auprès des entreprises tunisiennes en termes de sécurité informatique. Je vous assure qu’elle n’a joué aucun rôle dans la censure » a affirmé M. Belhassen Zouari, directeur général de l’Agence nationale de la sécurité informatique (ANSI) de 2007 à 2011. C’est qu’on n’a pas fini de débattre des séquelles du régime de Zaba. La table ronde organisée le samedi 30 avril par Securinets, le club de la sécurité informatique de l’INSAT, est ainsi revenue une fois de plus sur le tristement célèbre Ammar 404 et ses acolytes de la police du Net tunisien.

Les responsables de la censure et du flicage du Net ? Ils étaient, selon lui, dotés de deux sortes  de «compétences». On avait ainsi d’une part, les «politiciens», capables de cerner quels contenus représentaient une menace contre le régime, et de l’autre, les «investigateurs» qui s’appuient sur des aptitudes informatiques pour découvrir les auteurs des propos «nuisibles» circulant sur le web.

A la question de Slim Amamou, le secrétaire d’Etat à la jeunesse et des sports, sur le piratage des sites d’opposants ou de leurs comptes mail, M. Zouari assure la non-implication de l’ANSI, et de son incapacité à identifier une adresse IP. Il insiste en illustrant ses propos : même lorsque le ministère de l’Intérieur lui a demandé de mettre à sa disposition un de ses ingénieurs informatiques, qui n’était pas consentant, il a tenu bon et n’a pas cédé à cette demande. De plus, dit-il « Des cybermercenaires sont faciles à trouver… ».  

Mais alors, quel rôle a pu jouer l’ANSI dans la répression cyberpolitique? «Sur ordre judiciaire, des ingénieurs de l’ANSI ont parfois travaillé à analyser le contenu de matériel informatique d’opposants, c’est tout», souligne-t-il. M. Belhassen Zouari rappelle au passage que l’apparition des cyberflics ne date pas non plus de la naissance de l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI). Selon lui, la censure avait commencé bien avant. Il précise ainsi que la première coupure internet date de 1995. A l’époque, un enseignant tunisien avait envoyé à l’étranger un mail défavorable au régime … C’est de cet incident que l’idée de l’ATI, « grossiste de l’internet tunisien, point de passage obligé vers l’étranger », était née.

Tunisie Telecom pointée du doigt

Un ancien directeur technique de l’ATI précise pourtant : «il existe un autre nœud chez l’opérateur historique, avant celui de l’ATI, avec un accès strictement réservé au ministère de l’intérieur». Une phrase choc qui fait presque bondir Slim Amamou. Le secrétaire d’Etat fait remarquer : «Alors ça, avec les mouvements au sein de Tunisie Telecom dont on ne sait même pas qui tire les ficelles, c’est super dangereux ! Ca donne la main mise sur toute l’information qui circule en Tunisie… ».

Haythem Mekki, blogueur et journaliste auprès de Nessma TV renchérit en décriant plus un état policier qu’une dictature, avec une mainmise totale sur la couche réseau du pays. Il est également revenu sur la coupure Skype du printemps 2010, qui avait précédé «comme par hasard, mais c’était sans doute loin d’en être un » l’offre couplée pour la voix sur IP de TT. Pour lui et pour les autres intervenants présents, il faut donc « imposer absolument la transparence sur le contrôle de la couche réseau chez TT».

Faut-il donc continuer à verser dans la paranoïa qui a caractérisé l’ère Zaba ? L’ancien responsable de l’ANSI se veut à cet égard plutôt rassurant : «Soyez-en assurés, avec les technologies actuelles, il ne sera plus jamais possible de nous museler et de monitorer l’utilisation d’internet en Tunisie».

Léna C.

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