L’ATI l’a annoncé : le «filtrage» a commencé. La censure des sites X servira plus à caresser les conservateurs dans le sens du poil qu’à empêcher l’accès à la pornographie, déjà bien présente sur les chaînes paradiaboliques. La manière dont l’opération a été effectuée, risque de constituer un fâcheux précédent, et d’écorner notre image de marque.
L’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) a annoncé le démarrage des opérations de filtrage. Le jugement du tribunal de première instance de Tunis a commencé à être mis en application dans la journée du 21 juin. Dans un communiqué rendu public hier, l’ATI a en effet annoncé avoir procédé «au filtrage des adresses de sites pornographiques répertoriés par Smartfilter®, et ce pour les centres publics d’Internet (publinets), le réseau des maisons de jeunes, ainsi que le réseau communautaire public géré par le CIMSP (Centre Informatique du Ministère de la Santé Publique)».
Pour l’instant, les particuliers ne sont pas encore concernés. Mais théoriquement, ça ne saurait tarder. L’application du jugement ne saurait en effet être sélective. En clair : après une récréation de quelques semaines, les Tunisiens n’auront plus l’accès libre aux sites X. Même si la plupart des amateurs sauront contrecarrer l’interdit. L’usage des proxies et autres outils de contournement s’est en effet généralisé dans la Tunisie révolutionnaire. Et Ammar404, lui-même, avec toute la technologie répressive dont il disposait, n’a jamais réussi réellement à dresser des barbelés sur le Net. En somme, l’opération servira plus à caresser les conservateurs dans le sens du poil qu’à empêcher l’accès à la pornographie, déjà bien présente sur les chaînes paradiaboliques.
Passons sur l’inanité d’une telle décision. Délivrée de la censure, et n’ayant jamais adopté une politique restrictive équivalente à l’HADOPI français, ayant de plus ratifié la convention des Nations Unies défendant le libre accès et la liberté d’expression sur le Net, la Tunisie Révolutionnaire a désormais un statut et une image à défendre. Celle d’un pays où la censure, sous toutes ses formes, a été jetée dans les poubelles de l’Histoire. Celle d’un Etat qui ne fait plus partie des ennemis de la liberté numérique comme la Corée du Nord, l’Arabie Saoudite, et autres contrées liberticides. Or la censure des sites X, et surtout la manière dont l’opération a été effectuée, risque de constituer un fâcheux précédent, et d’écorner notre image de marque. Mais peut-on réellement être sûr que le nouveau Ammar en restera là ? De plus, comment trois citoyens, même avocats, peuvent-ils décider de ce qui doit être caché à notre vue ? Les lois ne sont-elles pas du ressort du pouvoir législatif, et par là même, dépendantes du bon vouloir de la majorité des Tunisiens?
Lotfi Ben Cheikh
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